La charité de saint Martin


Écrivain gaulois chrétien, Sulpice Sévère (vers 360-vers 425) a rencontré saint Martin plusieurs fois à Tours. Le texte présente un épisode célèbre de la vie du saint, qui fut l'un des grands thèmes de l'art occidental.

 "C'est ainsi qu'un jour où il n'avait sur lui que ses armes et un simple manteau de soldat, au milieu d'un hiver qui sévissait plus rigoureusement que de coutume, à tel point que bien des gens succombaient à la violence du gel, il rencontre à la porte de la cité d'Amiens un pauvre nu : ce misérable avait beau supplier les passants d'avoir pitié de sa misère, ils passaient tous leur chemin. L'homme rempli de Dieu comprit donc que ce pauvre lui était réservé, puisque les autres ne lui accordaient aucune pitié. Mais que faire? Il n'avait rien, que la chlamyde dont il était habillé : il avait en effet déjà sacrifié tout le reste pour une bonne œuvre semblable. Aussi, saisissant l'arme qu'il portait à la ceinture, il partage sa chlamyde en deux, en donne un morceau au pauvre et se rhabille avec le reste. Sur ces entrefaites, quelques-uns des assistants se mirent à rire, car on lui trouvait piètre allure avec son habit mutilé. Mais beaucoup, qui raisonnaient plus sainement, regrettèrent très profondé-ment de n'avoir rien fait de tel, alors que justement, plus riches que lui, ils auraient pu habiller le pauvre sans se réduire eux-mêmes à la nudité".

Sulpice Sévère. Vie de saint Martin, 3, 1-2
(trad. J. Fontaine, Paris, Le Cerf, 1967, p. 257-259).