La Chambre des Officiers

 

Un film de François Dupeyron,
d'après le roman de Marc Dugain, avec
Eric Caravaca (Adrien)
Denis Podalydes (Henri)
Gregori Derangere (Henri)
Sabine Azéma (Anaïs)
André Dussolier (Le chirurgien)
Isabelle Renauld (Marguerite)
Géraldine Pailhas (Clémence)

 

Soldat blessé d'Otto Dix
Otto Dix, (1891-1969)
Soldat blessé,
Automne 1916, Bapaume, 1924
Eau-forte de la série
"La Guerre" européennes à l'aube du XX° siècle.
L'état d'esprit des Français en août 1914

"Il est temps de s'élever contre la version d'une sorte d'ivresse patriotique s'emparant des Français à la nouvelle d'une mobilisation trop facilement consentie par les dirigeants. Certes, il y eu quelques manifestations bruyantes à Paris sur les boulevards ; et peut-être dans certains trains de mobilisés. Il y eut dans la grand presse des articles sur le mode héroïque dont l'insupportable optimisme nous frappe aujourd'hui.(...) Dans l'ensemble du pays, pour l'immense masse des Français qu'atteignait et que séparait la mobilisation, la tonalité dominante fut tout autre : résignation grave et angoisse diffuse".
André Latreille, 1914. Réflexions sur un anniversaire, Le Monde, 31 décembre 1964.

Le site officiel (avec des interviews du réalisateur et des comédiens)
Août 1914 : sur le front, les Allemands sont encore invisibles. Parti en reconnaissance à cheval, le jeune lieutenant Adrien Fournier (Eric Caracava) croise la trajectoire d'un obus, qui emporte sa mâchoire. Défiguré, incapable de parler, il se retrouve dans la chambre des officiers de l'hôpital militaire du Val de Grâce, à Paris. Officier, il a droit à un peu de morphine, il a droit aussi aux efforts du chirurgien, qui tente opération sur opération, 16 en tout pour le soldat de la Grande Guerre qui a inspiré le romancier Marc Dugain. Greffe osseuse contre obus industriels, vie réparée et mort infligée comme les deux visages du progrès des sociétés européennes à l'aube du XX° siècle.
Dans cette chambre d'où les miroirs ont été retirés, Adrien réapprend lentement à s'accepter dans le regard des autres, et notamment dans celui de son infirmière (Sabine Azéma). Au nouveau blessé qui ne le peut pas, et qu'il surprend dans les toilettes prêt à se pendre, il crie : "La guerre continue dans ta tête, mais elle est finie. Tu as le droit de vivre. On a le droit de vivre..." 

La Chambre des Officiers

Dans La Chambre des Officiers

De façon surprenante, ces "gueules cassées", parmi les 4 millions de blessés graves de la grande Guerre, n'appartiennent pas à notre imaginaire. Nous préférons retenir l'image du poilu jaillissant des tranchées, et plus encore les scènes du départ joyeux vers le front, comme au début du film, gare de l'Est à Paris (voir ci-contre). En Allemagne, c'est tout le contraire : les "gueules cassées" hantent l'esthétique des peintres expressionnistes comme Otto Dix ou Georges Grosz. Gueules cassées qui basculeront dans le pacifisme pour certaines, plus sûrement du côté des Casques d'Acier (Stahlhelm), premiers bataillons de la revanche nazie, comme s'il était devenu impossible pour elles de vivre dans la paix. Le beau film de François Dupeyron vient ainsi combler un manque, et en nous obligeant à fixer le visage ravagé d'Adrien, il nous force à regarder à nouveau la barbarie du siècle commençant...

Paroles de poilus "26 avril 1918
Des copains sans nombre ont été écrabousés, mis en miettes, un vrai désastre, gradés, hommes, ça tombait comme les semences".
Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front, 1914-1918, Librio, Radio-France, 1998
Retour aux actualités