Mahomet

D.R. 
Un documentaire en 5 parties de Chema Sarmiento, T. Celal et Youssef Seddik, coproduit par Arte France et la Cie des Phares & Balises, diffusé dans le cadre de Thema « Mahomet ».
52 mn

(1/5) Vers la prophétie.
(2/5) La Révélation.
Diffusion : mardi 29 janvier, 20 h 45

(3/5) Médine et la Loi.
Diffusion : mercredi 30 janvier, 20 h 45

(4/5) Le Pouvoir et la Mecque.
(5/5) Le Coran.
Diffusion : jeudi 31 janvier, 20 h 45
L'émission
Mahomet est un projet de grande envergure au service d'une grande ambition : présenter et faire connaître l'islam, Mahomet et le Coran.
À cette fin, la chaîne culturelle a mobilisé d'importants moyens (trois ans de développement) et programmé les cinq épisodes de la série à une heure de grande écoute. Le résultat est remarquable et n'est pas sans rappeler une autre grande réussite, Corpus christi.
Traiter le fait religieux n'est pas chose aisée à la télévision. Les auteurs du documentaire réussissent cette gageure de donner un éclairage approfondi sur la naissance de l'islam sans rien dissimuler de la complexité et de la difficulté de sa connaissance. La qualité de la réalisation (beauté des images, montage vivant) évite le piège d'une didactique pesante.
Le grand intérêt et la force de la série reposent sur sa construction, à la fois savante et vivante. Les auteurs portent au plus haut degré l'art du contrepoint. Le discours est polyphonique, faisant se répondre simples croyants abrités sous une tente dans le désert syrien, tenants de l'islam officiel et enfin universitaires qui renvoient le récit des précédents à sa dimension historique. Cette construction permet de suivre pas à pas, de manière chaleureuse et pittoresque, la vie de Mahomet, tout en soulignant bien l'arrière-plan, les enjeux et les implications de chacune des étapes importantes de son existence et de son action. Les éléments de la vie de Mahomet, puisés aux sources de la Sira et des Hadith, ponctuent en effet la série. Souvent empruntés à une très ancienne littérature apocryphe et populaire, racontés par des croyants ordinaires, ils offrent une imagerie vivante qui constitue une introduction agréable aux mises au point des chercheurs.
La construction de la série exerce une grande séduction sur le téléspectateur. Mais sa complexité ne permettra pas une utilisation des plus aisées et imposera le recours à une thématique réduite et un travail de fond sur la structure du documentaire et ses différents modes de récit.
Les épisodes
Épisode 1 : Vers la prophétie. Ce premier épisode s'attache à dépeindre le cadre « géo-politico-religieux » de l'Arabie à la naissance de Mahomet, pour reprendre l'expression d'Alain Wieder. C'est avec brio qu'il inscrit la vie du futur prophète dans le temps et dans l'espace. Dans l'espace tout d'abord : le film pratique fréquemment le changement d'échelle pour resituer l'Arabie dans le monde politique et économique du VIe siècle. Dans le temps ensuite : les recherches des historiens et des anthropologues sont mises à contribution pour cerner l'organisation des sociétés de la péninsule arabique, les enjeux qui les traversent, les rapports de force qui les opposent. La présence et l'influence culturelle du judaïsme et du christianisme en Arabie et sur le jeune Mahomet ressortent nettement de ce premier volet.

Épisode 2 : La Révélation. La Révélation, ce contact entre l'homme et la divinité, fait de Mahomet un prophète, le « sceau des prophètes » selon la tradition, c'est-à-dire celui qui prolonge et clôt la Révélation commencée avec Abraham, poursuivie avec Moïse et Jésus.
Passionnant, cet épisode nous fait assister en témoin à la naissance d'un nouveau monothéisme. Commencée en 610, peut-être au mont Hira, la Révélation bouleverse la vie de Mahomet et bientôt celle de tous les habitants de la Mecque. La radicale nouveauté de son message menace en effet le cadre tribal et le clan au pouvoir. Les enjeux politiques, les tensions suscités par la Révélation sont soulignés avec clarté.
L'un des nombreux mérites du film est de montrer l'influence des traditions juives et chrétiennes sur Mahomet et le contenu de la Révélation à travers quelques exemples saisissants.

Épisode 3 : Médine et la Loi. Yatrib, qui sera bientôt appelée Médine, la ville du prophète, était une étape importante des caravanes vers la Perse. Troublée par les luttes qui agitaient les différentes composantes de sa population, elle n'avait jamais pu devenir une métropole. Dans cette ville au bord de l'explosion, Mahomet va se voir proposer d'endosser le rôle d'arbitre de la communauté.
Le film permet de comprendre la portée politique et sociale du message de Mahomet. La communauté qu'il fonde transgresse les cadres traditionnels des sociétés arabiques et propose une fraternité reposant sur la religion. À Médine, Mahomet devient un chef politique et bientôt un chef de guerre, ce qui n'est pas sans répercussion sur le contenu de la Révélation et sur ses rapports avec les Juifs.

Épisode 4: Le Pouvoir et la Mecque. À partir de 628, Mahomet consolide et agrandit les territoires convertis à l'islam. Il obtient des Mecquois un pacte de paix, le pacte de Houdabiya et conquiert Kaïbar, une ville juive du Nord. Pour la première fois, à Mo'ta, il affronte les Perses sassanides, prélude des conquêtes hors de la péninsule arabique. Il parvient enfin à prendre la Mecque, et consacre ses dernières années à confirmer son autorité sur la péninsule arabique.
L'épisode offre une double lecture de ces événements militaires. Ils apparaissent comme le signe de la puissance de Dieu, qui intervient directement dans les conflits selon les croyants. Ils montrent la nature politique de l'entreprise de Mahomet à partir d'analyses d'historiens.

Épisode 5: Le Coran. Vingt-trois ans après sa première révélation, Mahomet annonce à ses fidèles la fin de la prophétie et sa mort prochaine. Cet épisode expose les incertitudes et les questionnements suscités par la transcription des Révélations. Selon la tradition, le troisième calife Othman, confronté à la mort de nombreux compagnons du prophète, a recueilli et rassemblé les paroles sacrées mémorisées par les compagnons ou transcrites sur divers matériaux.
Les divergences sont fortes entre les tenants de la tradition pour qui le Coran est une œuvre divine, qui n'a pas été écrite mais dictée, et les partisans d'une analyse historique qui insistent sur le travail d'écriture et d'agencement du texte.
La démarche
Les sources de l'islam
Sur tous les épisodes
[Histoire, 5e et 2de.]

Exposer la nature des sources qui constituent ensemble la tradition musulmane. Nommer et distinguer Coran, Hadith (recueil des actes et paroles de Mahomet), la Sira (la biographie du prophète). Expliquer ce qu'est une littérature apocryphe.
Une culture orale
Sur tous les épisodes
[Histoire, 5e et 2de.]

La nature orale du Coran (récitation), destiné à être dit à voix haute et non lu, est rappelée à plusieurs reprises dans le documentaire. Une grande place est donc accordée à la récitation de multiples versets ou Hadith. Mais, les intervenants ne s'adressent que rarement à la caméra. Les conteurs s'adressent directement à un public, les enseignants aux élèves, les universitaires à des collègues. Observer ainsi que le Coran est à l'origine de nombreux liens sociaux (enseignement, liens intergénérationnels...) dans la société musulmane.
Piété populaire contre « islam historique » ?
Sur tous les épisodes
[Histoire, 5e et 2de.]

Il s'agit de distinguer les informations contenues dans le texte sacré, qui comporte peu d'enseignement sur la vie du prophète, et la Sira, un récit biographique qui rassemble les Hadith (la tradition), les paroles et actions du prophète telles qu'elles ont été transmises par ses compagnons.
Observer comment le documentaire montre à la fois l'omniprésence du Coran dans la société musulmane, et les multiples divergences sur le statut des Hadith ou bien encore sur les récits merveilleux dont s'est enrichie la piété populaire. Un même verset est récité par plusieurs voix successives. La parole passe par exemple d'un imam chiite à une enseignante d'école de jeunes filles, à un conteur ou à un historien.
Lorsqu'il s'agit de la récitation du Coran, leurs paroles se complètent, se répondent mais elles se contredisent souvent sur les Hadith. Apparaissent ainsi les divergences entre des croyants férus de légendes populaires, les tenants de l'islam officiel, et des intellectuels qui dénoncent la sacralisation des Hadith en alléguant que le Prophète lui-même avait demandé que seules les paroles révélées soient conservées.
Les contradictions du Coran
Sur tous les épisodes
[Histoire, 5e et 2de.]

Certains versets du Coran sont contradictoires. Cependant, les contradictions, selon les exégètes, ne sont pas le signe de l'imperfection du Coran. C'est pourquoi a été développé le principe de l'abrogation, selon lequel un verset révélé le plus tardivement abroge un verset antérieur. On peut relever d'autres explications fournies par les intervenants pour justifier ces contradictions. Dans le cas de l'interdiction du vin, il est d'abord précisé que les croyants doivent s'abstenir de prier en état d'ébriété, puis l'interdiction devient totale. Pour les historiens, cela montre le pragmatisme dont Mahomet a fait preuve pour que les interdictions soient adoptées par la communauté.
Vers la prophétie
Sur l'épisode 1
[Histoire, 5e et 2de.]

L'Arabie du VIe siècle. Localiser la péninsule arabique et souligner sa position charnière entre les deux mondes alors connus, l'Occident d'une part, l'Extrême-Orient d'autre part.
À l'aide du documentaire, cartographier les routes commerciales reliant la Méditerranée à l'océan Indien.
S'appuyer sur le film et les connaissances des élèves sur l'Empire byzantin pour replacer l'Arabie dans le contexte géopolitique de l'époque. Comprendre que l'essor commercial de l'Arabie est lié à l'affrontement de l'Empire perse et de l'Empire byzantin, les deux puissances mondiales de l'époque, pour le contrôle des routes caravanières transitant par le Golfe persique. Cet affrontement a rendu stratégique la route qui partait du Yémen au sud et remontait vers les deux Empires, via la Mecque et Yatrib (à localiser et cartographier). Remarquer que le caractère stratégique de cette route explique l'importance des tribus mecquoises dont le rôle a été de protéger le commerce.
Noter que les sociétés de la péninsule arabique reposent sur le clan et ont pour cadre la tribu. Définir celle-ci comme un ensemble d'individus liés par les liens du sang et de parenté.
Mahomet. C'est dans cet univers que voit le jour Mahomet vers 571. Son père est issu d'une aristocratie caravanière ayant perdu toute fortune, mais il appartient à la tribu des Qoraïchites, celle qui domine l'important centre commercial et religieux de la Mecque. Orphelin à cinq ans, Mahomet va apprendre le négoce auprès de son oncle mecquois, Abu Talib.
La diversité religieuse de l'Arabie du VIe siècle. Noter que la plupart des tribus arabes étaient polythéistes et observer que le sanctuaire de la Kaaba de la Mecque est pré-islamique. Il abritait un grand nombre de statues provenant de tribus de toute l'Arabie (liée à son rôle commercial important). Remarquer que la péninsule arabique, traversée par de nombreux courants d'échange, n'est pas un isolat culturel. Elle est perméable aux idées et aux religions du monde méditerranéen. Observer que Mahomet a eu connaissance de certaines idées juives et chrétiennes. Des similitudes frappantes ont été relevées entre tel épisode provenant d'un évangile apocryphe et tels passages du Coran.
La Révélation
Sur l'épisode 2
[Histoire, 5e et 2de.]

Premiers convertis et premières difficultés. Souligner l'hostilité croissante des Qoraïchites à un message religieux monothéiste qui menace de saper les fondements de leur pouvoir.
Observer le caractère subversif de la prédication de Mahomet en faveur des pauvres et des esclaves et comprendre qu'il menaçait en réalité le cadre strictement hiérarchisé de la tribu.
Qu'est-ce que le Coran ? Relever la définition du Coran donnée par l'un des intervenants : un ensemble de versets transmis par le prophète, qui ont été appris, puis transcrits et ensuite rassemblés après sa mort. Noter la durée de la Révélation (vingt-deux ans), ainsi que la diversité des conditions dans lesquelles elle s'est produite et des formes qu'elle a revêtues.
La parenté avec le judéo-christianisme. Rappeler la reconnaissance par le Coran de l'ensemble de la Révélation juive et chrétienne. L'épisode souligne avec force les nombreux points communs entre le message délivré par Mahomet et les religions chrétienne et juive. Répertorier l'ensemble de ces convergences et observer qu'elles portent sur les aspects les plus fondamentaux de la religion : définition de la divinité, vie après la mort, résurrection après la mort, question du jugement de Dieu Relever que Mahomet se présente lui-même comme le dernier des prophètes envoyés par Dieu, après Abraham, Moïse et Jésus. Noter que pour les croyants de l'islam, tous les prophètes depuis Abraham étaient  « musulmans », c'est-à-dire « soumis » à Dieu. Comprendre que la religion prêchée par Mahomet se veut aussi prolongement et dépassement des deux premiers monothéismes par l'achèvement de la Révélation.
L'humanité de Mahomet et la question de la transcendance de Dieu. L'humanité de Mahomet, et donc sa faillibilité, sont souvent évoqués dans le Coran ou dans les Hadith. C'est le cas et le sens de l'épisode dit des « versets sataniques », versets impies qui auraient été inspirés à Mahomet par Satan lui-même. Insister sur l'humanité de Mahomet revient à souligner son simple rôle d'instrument de la volonté divine. Comprendre que le Coran n'est pas la parole d'un homme mais celle de Dieu. Opposer ainsi le Coran aux Évangiles chrétiens. Observer que le caractère divin de la parole transmise par Mahomet est à l'origine d'une grande modération chez les exégètes musulmans (voir l'épisode 5).
Médine et la Loi
Sur l'épisode 3
[Histoire, 5e et 2de.]

Mahomet, fondateur d'une communauté qui transcende la tribu. À Yatrib, bientôt appelée Médine, Mahomet constitue l'Ouma, une communauté dont les membres sont liés par un principe confessionnel. Comprendre que Mahomet rompt ainsi avec le cadre de la tribu et crée une nouvelle solidarité entre les Arabes qui est susceptible de mettre fin aux rivalités tribales. En élargissant la société tribale à une société de croyants, Mahomet rend possible l'unification des Arabes sous la bannière de l'islam.
Mahomet législateur. À travers l'action d'assainissement et d'adduction de Mahomet à Médine, noter son rôle nouveau d'organisateur et de chef d'une communauté à l'origine pluriconfessionnelle (juifs, musulmans). Observer que le changement radical apporté par l'Hégire dans la vie du prophète a des répercussions sur le contenu du Coran. Noter la nature différente de la Révélation de Médine : les sourates médinoises sont de plus en plus longues et présentent un caractère réglementaire et législatif affirmé (elles concernent les domaines les plus variés : règles de l'inceste, code du mariage, de l'alimentation, héritage).
Le premier essor de l'islam. À Médine, la question de la subsistance des émigrés de la Mecque, sans ressource et dont le nombre ne cesse de croître, devient criant. Mahomet résout le problème en lançant les musulmans à l'attaque des caravanes des Qoraïchites et en légalisant la razzia et le butin. Il a ainsi canalisé la tradition ancestrale de la razzia contre les ennemis de la religion naissante. Désormais, il y avait un intérêt matériel à devenir musulman. Les conversions ont alors beaucoup augmenté.
La rupture avec les Juifs. Observer qu'à l'origine de la rupture entre Mahomet et les Juifs de Médine, on trouve le rejet de son message par les docteurs juifs au nom de leur propre Révélation. L'union avec les tribus juives de Médine qui avait prévalu jusqu'alors devient impossible et Mahomet va progressivement les éliminer. L'une des conséquences de la rupture  est ce que l'un des intervenants appelle « l'abrahamisation de son message » : Mahomet va se référer directement à la source du monothéisme, Abraham, et passer par-dessus la tête de Moïse et Jésus. Observer qu'une traduction concrète de cette rupture est apportée par le retour à la Qibla (la direction de la prière ) abrahamique originelle, celle de la Kaaba.
La nature politique des conquêtes
Sur l'épisode 4
[Histoire, 5e et 2de.]

Relever à quel moment se met en place, lors des conquêtes, ce que l'historien espagnol José Luis Berruguete décrit comme l'origine du pouvoir absolu du chef musulman. Regrouper les autres aspects politiques des conquêtes du prophète, en particulier le poids stratégique et économique de la ville de la Mecque et l'explication de la clémence du prophète envers ses habitants.
Des pratiques religieuses préexistantes
Sur l'épisodes 4
[Histoire, 5e et 2de.]

Environ un tiers des lois coraniques existait avant l'islam, notamment le pèlerinage à la Mecque. Observer également les convergences avec les deux autres grandes religions monothéistes. Les exemples sont nombreux : Mahomet, comme Abraham, brise les idoles, impose des interdictions alimentaires communes avec le judaïsme... Mettre en relation l'interdiction des images avec la question de l'iconoclasme qui secoue l'Empire byzantin.
La place de la femme dans la communauté musulmane
Sur l'épisode 4
[Histoire, 5e et 2de ; ECJS, lycée.]

En replaçant les révélations dans leur contexte, on observe que des versets qui semblent a priori justifier l'infériorité des femmes apparaissent en fait comme des améliorations de leur condition. Ainsi, en prescrivant que le témoignage de deux femmes équivaut à celui d'un homme, le Coran attribue à la femme une identité juridique qui ne lui était pas reconnue. Opposer les lectures divergentes de femmes témoignant dans le film : celles qui pensent que doivent être suivies à la lettre les prescriptions du Coran et celles qui réclament une lecture moderniste et veulent que soit adaptée l'idée d'une revalorisation de la condition des femmes dans la société actuelle.
Le Coran a-t-il une histoire ?
Sur l'épisode 5
[Histoire, 5e et 2de ; ECJS, lycée.]

Le documentaire donne la parole aux exégètes et aux philologues qui cherchent à resituer le Coran dans son cadre géographique et historique. Ils montrent par exemple les évolutions entre l'arabe du VIIe siècle et l'arabe classique dans lequel s'est fixé le Coran, ce qui permet d'avancer l'idée que le Coran a probablement subi des modifications après l'époque d'Othman. Est-ce pour autant nier le caractère sacré du texte ? Montrer l'aspect politique et social de ces questions venues du domaine religieux . Certains intervenants vivent sous la menace des fondamentalistes : S. Qumni, universitaire égyptien, vit sous la protection des forces de l'ordre l'État ; S. Mansour, démis de ses fonctions de professeur à l'université d'Al Hazar du Caire, a été emprisonné trois ans pour ses idées.
La question non réglée de la succession
Sur l'épisode 5
[Histoire, 5e et 2de.]

À la mort de Mahomet, préciser pourquoi « la réunion du vestibule » au cours de laquelle est choisi le premier calife, Abu Bakr, porte en germe la division des musulmans entre sunnites et chiites.
Le document
Entretien avec Alain Wieder, directeur de l'unité Thema d'Arte France

Pouvez-vous nous expliquer les modes de récit de la série ?
Nous avons tenu à ce que la narration la plus fidèle et la plus détaillée du personnage reste collée au documentaire, à l'interrogation, de l'ensemble des acteurs dans la société musulmane.
Ces acteurs sont de trois types, tour à tour interrogés dans les cinq épisodes :
- Ceux qu'on pourrait appeler les petites gens, le peuple de tant de sociétés musulmanes visitées, vieilles grand-mères, enfants artisans, qui ont incorporé la vie de Mahomet comme une sorte de légende intime. Ces intervenants simples vont nous raconter à chaque étape l'essentiel de ce qu'on appelle la Sira ou biographie sacrée du Prophète.
- Cette légende populaire souvent amplifiée par ses auteurs généralement illettrés, nécessite des rectifications et parfois même des contre-récits qui seront assurés par des représentants de ce qu'on appelle l'islam officiel, imam de mosquée, enseignants dans les universités islamiques, telle Al Hazar... Surtout quand il s'agit d'un sujet impliquant une loi, une notion théologique ou un débat intereligieux.
- Le troisième type est celui qui correspond au point de vue des auteurs : il s'agit de mettre dans une perspective critique toutes ces données fournies soit par le petit peuple, soit par l'islam officiel. D'éminents universitaires arabes ou internationaux, souvent non impliqués dans le credo religieux islamique, vont nous aider à éclairer les différentes étapes de ce récit en les renvoyant à leur dimension historique.
Le tissu du récit est enrichi par une lecture toujours liée à la biographie de Mahomet et au Livre fondateur de l'islam, le Coran. Sont également utilisés des textes des hadith ou paroles du Prophète, des chroniques anciennes qui ont institué la tradition. Toutes ces étapes de la narration sont ponctuées par des miniatures ottomanes animées.
La mémoire de ces personnages, de la Chine du Ouïgour jusqu'au Maroc, est encore plus présente dans les sites et les paysages. Outre les mosquées, écoles religieuses ou mausolées d'un grand saint, c'est le paysage naturel que nous avons interrogé. Ici se lit la stratégie d'une bataille, là le souvenir d'une rencontre entre le jeune Mahomet et un prêtre chrétien, tous ces lieux sont souvent cités dans le Coran ou du moins pris en compte dans la tradition islamique pour transcrire dans le vif du quotidien la vie et l'œuvre du Prophète.

Quelles ont été vos sources ?
Les sources d'images sont rares. En dehors de la calligraphie et de quelques enluminures ottomanes que nous utilisons parfois dans le film, l'islam n'utilise pas la représentation. C'est une des raisons qui nous ont confortés dans l'idée d'aller sur le terrain filmer dans les mosquées, les écoles coraniques, sous la tente, dans une académie militaire ou dans un café la tradition telle qu'elle se transmet aujourd'hui encore. C'est à l'image d'un islam vivant. On peut même se dire que les récits se disaient de la même manière il y a deux, cinq ou dix siècles. Ce mode de filmage était plus pertinent qu'une malhabile construction.
Pour les textes, nous avons utilisé la Sira, ou biographie sacrée, le Coran et ses différentes exégèses, les chroniques du premier, deuxième et troisième siècle de l'Hégire, sans parler des écrits récents, arabes ou non, qui ont étudié ce qu'on appelle le prime islam et la vie de son fondateur.

Quelle traduction du Coran avez-vous choisie ?
La version de la traduction du Coran de Kasimirski a été choisie parce que la plus classique et la plus courante.

Pourquoi vous êtes-vous arrêté au VIIIe siècle ?
Encore une fois, le personnage central de ce récit est Mahomet et, avec lui, le Coran. Nous avons donc pensé qu'il fallait absolument aborder la question de la recension du Coran, la compilation qui s'est faite sous la califat d'Othman. L'expansion de l'islam, l'actualité de l'islam, sont une autre affaire. Même si on commence à aborder les conquêtes dans la série, car elles ont commencé dès le VIIIe siècle.
Propos recueillis pour Arte
La bibliothèque
ALILI Rochdy, Qu'est ce que l'islam ?, La Découverte, 2000.
CAHEN Claude, L'Islam, des origines au début de l'Empire ottoman, Hachette littérature, coll. « Pluriel », 1997.
DELCAMBRE, Anne-Marie, Mahomet, la parole d'Allah, Gallimard, coll. « Découvertes », 1987.
MERAD Ali, L'Exégèse coranique, PUF, coll. « Que sais-je », 1998.
BRIQUEL-CHATONNET François, « Mahomet, les Juifs et la Bible », « Juifs et Arabes. Mille ans de cohabitation, cent ans d'affrontement », L'Histoire, n° 243, mai 2000.
MICHEAU Françoise, « Les pays d'Islam, VIIe-XVe siècles », Documentation photographique, n° 8007, La Documentation française, février 1999.

Sur le site Horizon du Monde, un article consacré à la vie rêvée de Mahomet.
www.lemonde.fr/
Un site officiel qui présente l'ensemble des versets du Coran selon les thèmes choisis et les Hadith expliquant le contexte des Révélations.
www.al-islam.com/
Le site de la grande mosquée de Paris offre des éléments de compréhension de l'islam.
www.mosquee-de-paris.com/
Un dossier spécial sur le site d'Arte propose des interviews, des extraits de la série, un glossaire, une chronologie, une bibliographie et des liens.
www.arte-tv.com

Anouck Durand et Julien Maraval, professeurs d'histoire et géographie.




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