La bouche est un élément très important du corps dans la perception médiévale. C'est par elle que passe l'âme lors de la naissance et de la mort. C'est elle qui profère les mensonges, avec la gorge : "Tu as menti par ta sanglante gorge" est une insulte, un défi qui entraîne la vengeance dans toutes les couches sociales. Le baiser sur la bouche, surtout dans les milieux nobles, est inversement un signe indiscutable d'amitié entre deux hommes. Deux amis s'embrassent, boivent à la même coupe, partagent la même couche, - et le même tombeau, dans la mort, puisqu'au Jugement dernier ils pourront se lever ensemble. "Quand il entre dans les gestes constitutifs de l'hommage qui unit le seigneur à son vassal, ce baiser contribue à rétablir l'égalité entre les deux hommes et, surtout, à approfondir leur réciproque fidélité" note Claude Gauvard, dans un article de l'Histoire (n°172, décembre 1993). L'auteur insiste sur la paix que le baiser est censé fonder, tout comme le partage du pain et du vin à la même table entre deux anciens ennemis. Le baiser sur la bouche entre fidèles, pendant la messe, remplace la communion pendant une grande partie du Moyen Age. Il accompagne le pardon dans les cérémonies. "Par exemple, jusqu'à la fin du Moyen Age, un juge indélicat peut être condamné par les tribunaux laïcs à dépendre celui qu'il a injustement condamné à mort et à embrasser sur la bouche le cadavre, ou un mannequin le représentant, avant de procéder à une messe de funérailles et à son enterrement en terre chrétienne. Cette cérémonie fait partie de l'amende honorable ; elle doit être gravée sous la forme d'un tableau commémoratif, placé en un lieu public", note ainsi Claude Gauvard. A la fin du Moyen Age, changement des mentalités : le baiser sur la bouche devient de plus en plus l'apanage des couples hétérosexuels.