"Édit du roi, ou Code noir, sur les esclaves des îles de l'Amérique
Mars 1685. A Versailles.
Art. 2.
Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine.
Enjoignons aux habitants qui achètent des nègres nouvellement arrivés d'en avenir dans huitaine au plus tard les gouverneur et
intendant desdites îles, à peine d'amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et baptiser
dans le temps convenable.
Art. 12.
Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves et non
à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres différents.
Art. 22.
Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus, pour leur
nourriture, deux pots et demi, mesure de Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant chacune 2 livres et demie au
moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres de bœuf salé, ou 3 livres de poisson, ou autres choses à proportion; et aux
enfants, depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus.
Art. 25.
Seront tenus les maîtres de fournir à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile ou quatre aunes de toile, au gré des
maîtres.
Art. 26.
Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l'avons ordonné par ces
présentes, pourront en donner avis à notre procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même
d'office, si les avis viennent d'ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais; ce que nous voulons être
observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves.
Art. 27.
Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et
entretenus par leurs maîtres, et, en cas qu'ils les eussent abandonnés, lesdits esclaves seront adjugés à l'hôpital, auquel les
maîtres seront condamnés de payer 6 sols par chacun jour, pour la nourriture et l'entretien de chacun esclave.
Art. 33.
L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de
sang, ou au visage, sera puni de mort.
Art. 38.
L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les
oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule; s'il récidive un autre mois à compter pareillement du jour de
la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d'un fleur de lys sur l'autre épaule; et, la troisième fois, il sera puni de
mort.
Art. 42.
Pourront seulement les maîtres, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves l'auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de
verges ou cordes. Leur défendons de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres, à peine de
confiscation des esclaves et d'être procédé contre les maîtres extraordinairement.
Art. 58.
Commandons aux affranchis de porter un respect singulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves et à leurs enfants, en sorte
que l'injure qu'ils leur auront faite soit punie plus grièvement qui si elle était faite à une autre personne : les déclarons toutefois
francs et quittes envers eux de toutes autres charges, services et droits utiles que leurs anciens maîtres voudraient prétendre
tant sur leurs personnes que sur leurs biens et successions en qualité de patrons."
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