Après la guerre, de Gaulle dessine l'avenir (1943)


A cette date, Charles de Gaulle vient de prendre la tête du Comité Français de Libération Nationale, aux côtés du général Giraud, qu'il évincera bientôt. Il exprime ici sa volonté de très profonds changements politiques et sociaux après la victoire contre Vichy et le nazisme.

"Oui, notre peuple est uni pour la guerre. Mais il l'est d'avance aussi pour la rénovation nationale. Les bonnes gens qui se figurent qu'après tant de sang répandu, de larmes versées, d'humiliations subies, notre pays acceptera, au moment de la victoire, soit d'en revenir simplement au régime qui abdiqua en même temps que capitulaient ses armées, soit de conserver le système d'oppression et de délation qui fut bâti sur le désastre, ces bonnes gens, dis-je, feront bien de dépouiller leurs illusions.
" Si elle entend désormais être libre, ne connaître de souveraineté que celle qui procède d'elle-même, directement et sans entraves, bref, se livrer à la grande lumière de la pure démocratie, elle voudra aussi que ses volontés, à mesure qu'elle les fera connaître, soient exécutées avec suite, avec force, avec autorité, par ceux qu'elle en aura chargés. Elle voudra que ses gouvernants gouvernent, que ses fonctionnaires ne rusent pas avec leurs fonctions, que ses soldats s'occupent seulement de sa défense, que ses magistrats rendent une réelle justice, que sa diplomatie ne redoute rien tant que de mal soutenir ses intérêts. La IV° République française voudra qu'on la serve et non pas qu'on se serve d'elle. (...)

" Oui, après la chute du système d'autrefois et devant l'indignité de celui qui s'écroule, après tant de souffrances, de colères, de dégats éprouvés par un nombre immense d'hommes et de femmes de chez nous, la nation saura vouloir que tous, je dis tous ses enfants, puissent désormais vivre et travailler dans la dignité et la sécurité sociales. Sans briser les leviers d'activité que constituent l'initiative et le légitime bénéfice, la nation saura vouloir que les richesses naturelles, le travail et la technique, qui sont les trois éléments de la prospérité de tous, ne soient point exploités au profit de quelques-uns. La nation saura faire en sorte que toutes les ressources économiques de son sol et de son Empire soient mises en œuvre, non pas d'après le bon plaisir des individus, mais pour l'avantage général. S'il existe encore des bastilles, qu'elles s'apprêtent de bon gré à ouvrir leurs portes. Car, quand la lutte s'engage entre le peuple et la Bastille, c'est toujours la Bastille qui finit par avoir tort. Mais c'est dans l'ordre que les Français entendent traiter leurs affaires et ne point sortir de la guerre pour entrer dans les luttes civiles."

Extraits du discours prononcé par le général de Gaulle
à Alger (place du Forum) le 14 juillet 1943

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