Dévastation des
campagnes françaises
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« Ledit royaume [. . .] parvint à
un état de dévastation telle que, depuis la Loire
jusqu'à la Seine, et de là jusqu'à la Somme,
les paysans ayant été tués ou mis en fuite,
presque tous les champs restèrent longtemps, durant des
années, non seulement sans culture, mais sans hommes en
mesure de les cultiver, sauf quelques rares coins de terre, où
le peu qui pouvait être cultivé loin des villes,
places ou châteaux ne pouvait être étendu,
à cause des fréquentes incursions des pillards
[...] « Nous-même nous avons vu les vastes plaines de la Champagne, de la Beauce, de la Brie [...] absolument désertes, incultes, abandonnées, vides d'habitants, couvertes de broussailles et de ronces, ou bien, dans la plupart des régions qui produisent les arbres les plus drus, ceux-ci pousser en épaisses forêts. Et, en beaucoup d'endroits, on put craindre que les traces de cette dévastation ne durassent et ne restassent longtemps visibles, si la divine providence ne veillait pas de son mieux aux choses de ce monde. « Tout ce qu'on pouvait cultiver en ce temps-là dans ces parages, c'était seulement autour et à l'intérieur des villes, places ou châteaux, assez près pour que, du haut de la tour ou de l'échauguette, I'il du guetteur pût apercevoir les brigands en train de courir sus. Alors, à son de cloche ou de trompe ou de tout autre instrument, il donnait à tous ceux qui travaillaient aux champs ou aux vignes le signal de se replier sur le point fortifié. C'était là chose commune et fréquente presque partout ; au point que les bufs et les chevaux de labour, une fois détachés de la charrue, quand ils entendaient le signal du guetteur, aussitôt et sans guides, instruits par une longue habitude, regagnaient au galop, affolés, le refuge où ils se savaient en sûreté. » Thomas Basin, Histoire de Charles Vll (éd. et trad. C. Samaran, Paris, Belles Lettres, 1933, p. 85-87). |