Familier de
Louis IX, qu'il a accompagné à la septième
croisade, Joinville raconte ici, dans un style direct attractif,
des épisodes célèbres de la justice rendue
par le roi, sous le chêne de Vincennes ou dans un jardin
de Paris. Au-delà, il convient de repérer cette
nouveauté, témoin de la puissance grandissante du
roi de France dès le XIII° siècle : l'appel
à la justice du roi, par tout habitant du royaume contestant
la justice seigneuriale.
Au retour de la croisade, en 1254, Saint Louis est
accueilli par un religieux qui lui recommande de pratiquer la
justice :
« " Or que le roi qui s'en va en France, fit-il,
prenne bien garde à faire bonne et prompte justice à
son peuple, afin que Notre-Seigneur lui permette de tenir son
royaume en paix tout le cours de sa vie (...) " «
Maintes fois il advint qu'en été il allait s'asseoir
au bois de Vincennes après sa messe, et s'accotait à
un chêne, et nous faisait asseoir autour de lui. Et tous
ceux qui avaient affaire venaient lui parler sans empêchement
d'huissier ni d'autres gens. Et alors il leur demandait de sa
propre bouche : " Y a-t-il ici quelqu'un qui ait sa partie
? " Et ceux qui avaient leur partie se levaient, et alors
il disait: " Taisez-vous tous et on vous expédiera
l'un après l'autre." Et alors il appelait Monseigneur
Pierre de Fontaines et Monseigneur Geoffroi de Villette, et disait
à l'un d'eux: " Expédiez-moi cette partie.
" « Et quand il voyait quelque chose à
amender dans les paroles de ceux qui parlaient pour lui ou de
ceux qui parlaient pour autrui, lui-même l'amendait de
sa bouche. Je vis quelquefois en été que, pour
expédier ses gens, il venait dans le jardin de Paris [...]
Et il faisait étendre des tapis pour nous asseoir autour
de lui; et tout le peuple qui avait affaire par-devant lui se
tenait autour de lui debout, et alors il les faisait expédier
de la manière que je vous ai dite avant pour le bois de
Vincennes. »
Jean, sire de Joinville, Histoire de Saint Louis, éd.
Natalis de Wailly, Paris, Firmin-Didot, 1874 |