POURQUOI ET COMMENT
ENSEIGNER HISTOIRE ET GEOGRAPHIE ?


Pourquoi ?                                                       Comment ?

 -   Il faut aider les enfants à se repérer dans le passé, mais également à se situer dans leur présent  
C’est la première des compétences historiennes à faire passer : « Être capable de distinguer les grandes périodes historiques, pouvoir les situer chronologiquement, commencer à connaître pour chacune d’entre elles différentes formes de pouvoir, des groupes sociaux, et quelques productions techniques et artistiques ». (C3) Au C2, on aide l’élève à prendre conscience du passé, de son éloignement plus ou moins grand, tout en l’aidant à structurer les repères du présent (activités de la journée, de la semaine, maîtrise des calendriers). Toujours, on tente des « allers-retours » entre passé et présent, en se demandant comment « partir » du présent pour amorcer la curiosité du passé, tout en soulignant les héritages du passé pour comprendre les réalités contemporaines (ex : les signes du pouvoir présidentiel aujourd’hui pour approcher la monarchie absolue de Louis XIV, mais aussi le droit de grâce présidentiel à partir de ce pouvoir absolu…)

 -     Cela permet d’expliquer aux enfants les faits de société d’aujourd’hui, et de voir leurs conséquences pour demain…  
Notre société procède de l’histoire, et cela n’a rien d’évident pour un enfant. Les façons de vivre, d’habiter, d’aller à l’école changent avec le temps, dans les luttes des hommes entre eux, contre des pouvoirs inacceptables. L’histoire est dynamique, en mouvement, jamais finie (sinon les enfants d’aujourd’hui seraient encore dans les champs, les mines ou à l’usine, comme dans beaucoup de pays du tiers-monde). Et ce que nous faisons aujourd’hui aura des conséquences dans l’avenir : aider l’enfant à se repérer dans le temps, c’est aussi l’aider à se projeter dans le futur.  


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Il s’agit de forger une culture commune aux élèves de ce pays  
Longtemps, la République a fondé le sentiment d’appartenance nationale sur une histoire commune, depuis « nos ancêtres les Gaulois » (idée rejetée par les nouveaux programmes, en même temps que se creuse le fossé entre enfants français d’immigrés maghrébins ou africains et « Gaulois », les Français « de souche » dans la bouche des premiers). Dès lors, l’idée est de passer d’une histoire de France organisée autour de grands hommes à une histoire des Français, quelles que soient leurs origines. Il s’agit d’arriver à ce que les élèves de ce pays se sentent les héritiers de cette histoire, pour qu’elle leur appartienne. Pour que tous se sentent partie prenante d’une histoire partagée, on peut envisager de s’intéresser davantage à l’histoire du peuplement de ce grand pays d’immigration qu’est la France. Les programmes de C3 en donnent un signal avec l’introduction de l’Islam, en tant que religion et en tant que civilisation. Mais l’histoire de la colonisation et la géographie des DOM (C3) fournit d’autres occasions.  Cette question « ethnique » est ancienne. Déjà au début du XIX° siècle, l’historien Augustin Thierry se demandait : « Comment veut-on qu’un Languedocien ou qu’un Provençal aime l’histoire des Francs et l’accepte comme l’histoire de son pays ? » A l’école républicaine de trouver un nouvel équilibre entre les besoins identitaires d’élèves et l’adhésion aux valeurs positives qui fondent notre société. (Sur tous ces points, François Durpaire, Enseignement de l’histoire et diversité culturelle « Nos ancêtres ne sont pas les Gaulois », Hachette Éducation, 2002).

 -       Ce sont des disciplines qui permettent de développer un esprit critique, de se construire…  
Les paroles s’envolent, les écrits restent, dit-on… Mais tout écrit n’est pas véridique, et l’histoire se fait aussi avec des témoignages oraux (les nouveaux programmes insistent sur cette source orale pour faire de l’histoire).  Par ailleurs, l’abondance des ressources iconographiques permet d’initier à la lecture d’image, de mieux comprendre l’usage des images dans la publicité par exemple. Le dernier thème du programme d’histoire, la découverte de deux mouvements artistiques du XX° siècle, est l’occasion de découvrir des œuvres, d’y confronter le regard et la sensibilité des enfants, d’argumenter leur adhésion ou leur rejet, d’y trouver matière à créer à leur tour… Dans les séances d’histoire et de géographie, l’enfant est amené, au-delà de la prise d’informations, à émettre des hypothèses, à envisager des causalités simples, à mettre en relation des documents parfois contradictoires, à réfléchir sur le point de vue de l’auteur et sur le destinataire d’un texte ou d’une image : bref, il exerce son intelligence de sujet.

 -     Histoire et géographie permettent d’aborder des thèmes d’éducation civique

 -    L’approche historique et géographique apprend à devenir tolérant aux différences historiques, culturelles, sociales, religieuses, en  percevant mieux les sociétés du passé et d’ailleurs  
Une première règle de l’histoire est d’éviter les anachronismes. On ne juge pas les sociétés du passé avec les critères du présent. Il ne s’agit pas de dénoncer l’esclavage des Noirs au temps de Louis XIV, mais de comprendre pourquoi il fut accepté et rendu possible. Cela n’implique aucun relativisme des valeurs : l’esclavage est, et restera toujours, condamnable. Mais souligner son extension à l’époque permettrait de montrer la lutte inconnue des esclaves pour résister (musique et éducation) et se libérer (la révolte de Toussaint Louverture en Haïti), ainsi que l’honneur des premiers abolitionnistes de la Société des Amis des Noirs (Robespierre), dans un long et difficile combat. Découvrir d’autres façons de se vêtir, de se nourrir, de se déplacer, de jouer, de se distraire, de croire, d’autres musiques et d’autres littératures (même orales) est à la fois un enrichissement culturel, un apprentissage des différences entre classes et peuples. C’est une bonne façon de déconstruire les préjugés et les stéréotypes (« les Asiatiques sont tous comme… », « les Arabes sont tous… », « de toute façon les Américains sont tous des…)  L’ouverture aux sociétés du passé et d’ailleurs est un apprentissage de la nécessaire tolérance des autres, dans une société multiculturelle et de plus en plus internationalisée.

 Comment ?

 -    Il faut privilégier la chronologie, mais être capable, en tant qu’enseignant, de rebondir sur l’actualité, d’en tenir compte  
La succession chronologique des périodes historiques est l’objectif à atteindre. On part du plus ancien pour aller vers notre époque (jamais le contraire). Cela n’empêche pas d’intégrer l’actualité dans les leçons d’histoire et de géographie. Une famine en Afrique permet de sensibiliser les élèves aux « oppositions Nord-Sud » (C3). Les procès de José Bové aux « mouvements d’opposition à la globalisation » (C3). Le retour de vacances au pays d’un enfant permet d’aborder « la diversité des milieux et des modes de vie (habitat, nourriture, vêtement, moyens de transport, formes de végétation et de vie animale), en mettant en valeur ressemblances et différences » (C2).

 -    Il vaut mieux partir de situations-problème pour donner l’envie d’enquêter, de questionner les documents  
« L’élève doit être déjà capable de comprendre la spécificité de l’histoire, cette « connaissance par traces » qui, pour l’historien, sont des sources ou des documents. Il doit donc commencer à en comprendre le travail : rassembler des documents autour d’un sujet, en donner la nature, la date, et l’auteur. » (C3) Pour entrer dans ce travail de découverte, de mise en relation, de critique aussi de ces documents, on peut essayer de construire des situations-problème (cf A. Dalongeville). « Comme dans les autres cycles de l’école, la démarche s’articule autour d’un questionnement guidé par le maître et conduit à des investigations menées par les élèves » (C2).

 
-    On peut exploiter le quotidien  
« Issue d’un questionnement provenant le plus souvent de l’observation de l’environnement quotidien, l’investigation menée n’est pas conduite uniquement pour elle-même, elle débouche sur des savoir-faire et des connaissances » (C2) La croissance des plantes, l’origine géographique des aliments consommés, la tournée mondiale d’un chanteur, les clubs français et européens de foot (à propos, où se trouve le Spartak ?), le quartier de l’école, les activités de la rue commerçante, les clubs d’Anciens, les associations (des philatélistes aux cyclo-randonneurs…), des vacances à la ferme transformée en gîte rural, tout cela peut déclencher des apprentissages… Les programmes soulignent l’intérêt de partir des ressources locales ou régionales.

 -   La polyvalence du prof d’école permet de jouer la transversalité  
C’est tout à fait l’esprit des nouveaux programmes. Histoire, géographie, éducation civique sont aussi des moments de maîtrise de la langue. Langue orale, particulièrement au cours du débat hebdomadaire en éducation civique, mais aussi lors d’exposés, de compte-rendus d’activités. Langue écrite dans le lexique spécifique aux disciplines, dans la lecture de différents types de textes, dans la reconnaissance des temps du passé, dans la rédaction de synthèses. Surtout, histoire et géographie participent  à la constitution d’une culture littéraire, à la diversification des genres : récits de voyage, d’explorateurs, récits historiques, farces et fabliaux du Moyen Age, grands contes  (Sindbad le marin)… Et puis, il y a la polyvalence ancienne du métier qui permet de renforcer la cohérence des séances. Un tremblement de terre, des éruptions volcaniques ou des inondations permettent de revenir sur des localisations, de programmer des séances en sciences, de réfléchir en éducation civique sur les formes de solidarité aux victimes. L’étude de deux mouvements artistiques du XX° siècle en histoire permet évidemment de prolonger (ou d’initier) le travail en éducation artistique.

Propositions de professeurs stagiaires du centre départemental du Val de Marne, septembre 2002 (groupe D 1)

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