Deux exemples issus de manuels                                    

Le premier est extrait de Sophie Le Callennec (dir), Histoire cycle 3, Paris, Hatier, 2000, p.96. Sous le texte de présentation suivant : " En 1095, le pape Urbain II lança un appel aux chrétiens pour qu’ils aillent délivrer Jérusalem (la ville où se trouve le tombeau du Christ), occupée par les musulmans : ainsi débutèrent les croisades " figure un document suivi de deux questions.

Le deuxième exemple est tiré du manuel Histoire Géographie Education civique. Collection Gulliver, Paris, Nathan, 1996, p.66. L’article 38 du Code Noir de 1685 relatif au statut des esclaves dans les îles françaises d’Amérique (Antilles) y est cité de la manière suivante : " L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur l’épaule… " Les points de suspension indiquent comme il se doit que l’article n’est pas cité dans son entier. Pourtant, une coupe à été faite dans le texte sans avoir été mentionnée. L’article 38, du Code Noir, tel qu’on peut le lire par exemple dans une réédition récente : Le Code Noir, Paris, L’esprit frappeur, 1998, p. 38 est en effet ainsi libellé : " L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis sur une épaule ; et s’il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d’une fleur de lis sur l’autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort. " 

Il aurait donc fallu citer ledit article de la manière suivante : " L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois […] aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur l’épaule […] ". Il est par ailleurs dommage que cet article n’ait pas été cité intégralement dans le manuel puisque la coupe qui est faite à la fin du texte en atténue considérablement la cruauté et par conséquent la portée. La manière dont est cité l’article 42 du même Code Noir est encore plus contestable. Le manuel donne en effet la version suivante : " Les maîtres pourront, lorsqu’ils croient que leurs esclaves l’auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verges ou de cordes " alors que le libellé exact de l’article est en réalité : " Pourrons seulement les maîtres, lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verges ou de cordes ; leur défendons de leur donner, ni torture, ni de leur faire aucune mutilation de membre, à peine de confiscation des esclaves et d’être procédé contre les maîtres extraordinairement. " (op. cit., p.32). L’article est donc cité de manière incomplète et le texte en a été réécrit, pour être plus facilement compréhensible par les enfants, le tout sans être le moins du monde signalé. Pourquoi faire alors semblant de citer un document qui n’en est pas un ? N’aurait-il pas été plus simple d’écrire dans le manuel que " l’article 42 du Code Noir permettait aux maîtres de faire enchaîner leurs esclaves et de les faire battre de verges ou de cordes " ? On notera au passage que ce qui est présenté par les auteurs du manuel Nathan comme une permission (" pourront " est en fait une restriction (" pourront seulement […] ; leur défendons ").

L’appel à la croisade

Il est urgent d’apporter à vos frères d’Orient l’aide si souvent promise. Les Turcs et les Arabes les ont attaqués. Si vous les laissez à présent sans résister, ils vont étendre leur vague sur beaucoup de serviteurs de Dieu. Si ceux qui iront là-bas perdent leur vie pendant le voyage ou dans la bataille, leurs péchés seront pardonnés.

Appel d’Urbain II, XIe siècle.

Quelles raisons ont incité les chrétiens à partir en croisade ?

En quoi cet appel prouve-t-il l’influence de l’Eglise sur la société ?

Peut-on raisonnablement considérer un tel texte comme un document ? S’il s’agit d’un texte authentique, les auteurs du manuel ont eu accès à un document rare que bien peu d’historiens connaissent. Il est alors regrettable qu’ils n’en donnent pas les références précises pour que nous puissions le consulter à notre tour. Il s’agit en fait manifestement d’un texte écrit à l’intention des élèves dans un souci de simplification. Une telle démarche est légitime, encore faut-il la signaler comme telle. Le texte aurait dû être suivi de la mention " d’après l’appel d’Urbain II ", ce qui aurait levé toute ambiguïté. Plus étonnantes encore sont les questions qui sont posées aux enfants. Si l’on peut supposer que la réponse attendue à la première question est " pour porter secours aux chrétiens d’Orient attaqués par les Turcs et les Arabes et obtenir le pardon de leurs péchés ", il n’est pas certain que tous les élèves seront capables d’y répondre. Il faut en effet comprendre que les " frères " en question sont le chrétiens d’Orient et que " les " désigne les chrétiens et " ils " les Turcs et les Arabes. Le texte qui se voulait simple est donc en réalité plus complexe qu’il n’en a l’air. Pourquoi, dans ce cas, ne pas citer directement Foucher ou un autre chroniqueur en faisant apparaître les coupes effectuées ? Quant à la seconde question, elle n’a aucun sens. Cet appel ne prouve en rien l’influence de l’Église sur la société. C’est notre culture historique qui nous permet d’affirmer que l’Église avait une influence sur la société, pas ce texte. Il avait d’ailleurs été expliqué page 86 du même manuel qu’au Moyen-Âge, " l’Église occupait une place importante dans la société. Chaque étape de la vie (baptême, mariage, hommage d’un vassal, sacre du roi), était marquée par une cérémonie religieuse. L’Église tenait la plupart des écoles et s’occupait des malades et des mendiants […] " Ce texte ne prouve pas l’influence de l’Église sur la société, il l’illustre tout au plus. La démarche est enfin très contestable, puisqu’elle risque de conduire les élèves à penser qu’il est possible de tirer des conclusions historiques générales à partir d’un seul document.
Il ne faudrait pas cependant tomber à notre tour dans les travers que nous dénonçons et conclure à partir de ce seul exemple que le manuel cité est des plus médiocres. Il est au contraire de qualité. Le document suivant présenté page 101 est en tous points conforme à ce qu’on peut proposer à des élèves de cycle III.

Et les femmes

Selon les règles de succession en France, le pouvoir ne pouvait pas être transmis par les femmes. En Angleterre, en revanche, les femmes pouvaient succéder à leur père. A la mort du roi Charles IV, toute la question était de savoir à qui devait être confiée la garde du royaume, en raison du principe que dans le royaume de France, la femme n’a pas accès au pouvoir royal. De leur côté, les Anglais déclaraient que le jeune roi Édouard était le plus proche parent en tant que fils d’Isabelle, petit-fils de Philippe IV le Bel et, par conséquent, neveu de Charles IV. Mais les Français n’admettait pas l’idée d’être dominés par l’Angleterre.

D’après Jean de Venette, XIVe siècle.

Explique pourquoi les Anglais voulaient qu’Édouard III devienne roi de France ?

Pourquoi les Français s’opposaient-ils à ce projet ?

Suite >>>  En guise de conclusion                                                                                                                                       

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